Comment une vision réductrice de la TCC peut être
transformée par un usage extensif de la sophrologie et de la relaxologie ?
J’ai été frappé par le développement rapide du recours à
des séances de relaxation ou de sophrologie dans les boutiques
d’audioprothèses. Ces expériences de détente sont essentiellement proposées aux
personnes souffrant d’hyperacousie et d’acouphènes invalidants.
Ceci s’ajoute au fait que certains ORL trouvent plus aisé
d’adresser des personnes en souffrance à des partenaires non stigmatisés
« psys ».
Et de me poser objectivement la question en tant que
président de l’AMC*: « Ces gens font-ils aussi bien que la
TCC ? ». Ce, d’autant que les sophrologues se lancent dans une
campagne de validation à consonance scientifique de leur pratique dans
différents domaines, dont la douleur et l’ORL. On verra, donc, ce qu’il sort de
ces évaluations.
Je suis convaincu de la convergence des pratiques de TCC et
de sophrologie, à tel point que je propose d’intégrer la sophrologie au rang de
pratique de médecine comportementale.
Je suis néanmoins dubitatif quant à l’expertise en
psychologie clinique de certains sophrologues. Ce qui ne manque pas d’inquiéter
eu égard à la comorbidité psychiatrique liée à ces affections (qui pourrait concerner jusqu'à 80% des personnes intolérantes
à l'acouphène (1) par exemple) pour lesquelles ils sont maintenant
sollicités.
D’un autre côté, je suis très heureux et confiant face à ce
développement de la collaboration avec les sophrologues de la part des
audioprothésistes et des ORL en particulier. Cela marque une inflexion notable
en France concernant la prise en compte de la dimension psychologique
d’affections comme l’acouphène et l’hyperacousie. C’est tant mieux pour les
personnes en souffrance.
C’est aussi une question de réponse à la demande : le
nombre de sophrologues est bien plus important en France que celui des
thérapeutes en TCC et, parmi eux, de ceux qui s’intéressent aux domaines d’applications
non strictement psychiatriques. C’est donc aussi la loi du marché.
Je suis très heureux et confiant parce que si des gens qui
n’auraient pas eu recours à la TCC obtiennent un soulagement par le biais de la
sophrologie, c’est le plus important. Mais aussi, le fait que la dimension
psychologique soit plus facilement abordée va permettre aux audioprothésistes
et aux ORL d’adresser plus facilement les personnes qui ont besoin d’une TCC
vers ce type de solutions. De plus, les échecs prévisibles de la sophrologie
ainsi proposée « à l’aveugle » vont faire expérimenter les limites de
cette discipline et, in fine, les indications de la TCC. Ainsi sera mieux
compris le fait que la TCC ce n’est ni une forme de psychanalyse ni de la
relaxation.
* : Association pour la Médecine Comportementale
(1) : Langghut B. et al. Tinnitus
and depression. World J Biol Psychiatry. 2011 ; 12 : 489-500.
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